QUÉBEC, le 27 juin 2024 /CNW/ - Après examen du
rapport produit par le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI), le
Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) conclut que
l'analyse de la preuve ne révèle pas la commission d'une infraction
criminelle par le policier de la Sûreté du Québec (SQ).
L'analyse portait sur l'événement survenu à Sainte-Clotilde-de-Horton
le 7 novembre 2023 entourant le décès d'un
homme.
L'examen du rapport d'enquête préparé par le BEI a été confié à
une procureure aux poursuites criminelles et pénales (procureure).
Cette dernière a procédé à un examen complet de la preuve afin
d'évaluer si, à la lumière de la preuve retenue, celle‑ci révèle la
commission d'infractions criminelles. La procureure a rencontré et
informé les proches de la personne décédée des motifs de la
décision.
Événement
Le 7 novembre 2023, vers 1 h 30,
un homme est arrêté par des policiers de la SQ dans la région
de Drummondville pour des voies de fait sur des policiers. Il
est ensuite libéré sous promesse et il retourne chez lui. Vers
15 h 30, le même jour, l'homme contacte un de ses proches
pour qu'il vienne le chercher, ce qu'il fait avec sa camionnette.
Lors de son arrivée, le proche
constate que l'homme est intoxiqué.
Vers 17h31, ils arrivent à la résidence du proche et un conflit
éclate entre les deux hommes. L'homme se désorganise, verse une
bière sur la tête du proche, lui donne des coups de pied, des coups
de poing et crie de manière incohérente. Il continue de frapper son
proche, même lorsque celui-ci tombe au sol. L'homme filme la scène
avec le téléphone cellulaire du proche, ouvre un tiroir et prend le
portefeuille du proche ainsi qu'un couteau d'environ quatre pouces,
de style canif. Le proche quitte le domicile pour se rendre chez
son voisin et communique avec le 911 vers 18 h 43, en
raison du comportement de l'homme.
Vers 19 h 12, trois véhicules de patrouille, avec à
leur bord un total de cinq policiers, arrivent sur les lieux.
À distance de la résidence, les policiers préparent l'intervention.
Ils entendent alors l'homme qui tente de faire démarrer la
camionnette du proche. Étant donné que la résidence de ce dernier
est située dans un cul-de-sac, les policiers placent des hérissons
à pointe creuse sur la route pour tenter de limiter une fuite
potentielle. Or, ils retirent ceux-ci dans les minutes qui suivent
estimant qu'en raison de l'intoxication de l'homme, ce dernier
pourrait tenter une manœuvre dangereuse.
À 19 h 26, les policiers entendent de nouveau le bruit
du moteur de la camionnette. Ils embarquent alors dans leurs
véhicules respectifs afin de localiser l'homme. Seuls les phares
des véhicules de patrouille éclairent le chemin. Le véhicule de
tête tourne à gauche sur le chemin menant à la résidence suivi des
autres véhicules. Le chemin est étroit, à peine la largeur des
véhicules, et il est bordé d'un côté par un fossé et de l'autre par
une forêt.
Les policiers entendent de nouveau un bruit de moteur qui, cette
fois, se rapproche et est suivi d'un « bang ». À vive
allure, l'arrière de la camionnette fonce dans le véhicule de tête.
La camionnette se retrouve ensuite dans le fossé sur le bord du
chemin, l'avant du véhicule en direction de celui-ci.
L'homme appuie sur l'accélérateur de la camionnette,
vraisemblablement pour sortir du fossé. Le bruit provoqué par la
manœuvre est assourdissant et complique la communication entre les
policiers. Ces derniers sortent de leurs véhicules et demandent à
l'homme de « lever les mains » et d'éteindre la
camionnette, sans succès. Le policier impliqué constate que ses
collègues pointent leurs armes à impulsion électrique (AIE) en
direction de l'homme, mais qu'ils ne peuvent pas les utiliser,
puisque les fenêtres de la camionnette sont fermées. Il constate
également que les quatre roues de la camionnette sont en
contact avec le sol.
Le policier impliqué constate alors que l'homme se balance
d'avant en arrière pour tenter de dégager la camionnette en
continuant d'appuyer sur l'accélérateur et que la camionnette est
sur le point de sortir du fossé, les roues commençant à monter la
paroi du fossé, alors que des policiers se trouvent sur le chemin à
moins de deux mètres du capot de la camionnette. Il tente de
prévenir ses collègues, sans succès en raison du bruit, et il tire
un premier coup de feu. La balle passe par la fenêtre avant côté
passager et atteint l'homme. La fenêtre se fissure, mais ne casse
pas. L'homme cesse de se balancer, mais continue d'appuyer sur
l'accélérateur. Les policiers répètent en hurlant à l'homme
de « lever les mains », toujours sans succès.
Au même moment, l'un des policiers s'approche de la fenêtre
fissurée, du côté passager avant, avec son bâton télescopique, dans
l'intention de la fracasser afin que les AIE puissent être
utilisées. Alors qu'il se trouve près de la fenêtre et tend le
bras, l'homme s'agite de nouveau et le policier impliqué aperçoit
qu'il fait un signe d'arme à feu avec sa main et qu'il se penche
dans la camionnette vers le pied du siège passager. Lorsqu'il se
relève, le policier impliqué constate que l'homme tient dans sa
main une scie à chaîne de couleur orange et qu'il fait un geste
pour la brandir en direction du policier qui se trouve près de la
fenêtre côté passager. Le policier impliqué tente de prévenir son
collègue en hurlant l'information, de nouveau sans succès. À ce
moment, il décide de faire feu à deux reprises. La fenêtre casse et
l'homme cesse de bouger.
À 19 h 28, le policier impliqué appelle une
ambulance.
Les policiers constatent alors que l'homme est inconscient et
après avoir sécurisé les lieux, ils le sortent de la camionnette,
le couchent sur le chemin, le fouillent sommairement et saisissent
le couteau. Ils débutent alors les manœuvres de réanimation et
utilisent le défibrillateur externe automatisé.
À 20 h 12, l'ambulance arrive sur les lieux et
quitte avec l'homme à 20 h 13. Son décès est constaté
à 20 h 56.
Analyse du DPCP
Dans la présente affaire, le DPCP est d'avis que les conditions
énumérées aux articles 25(1) et 25(3) du Code
criminel sont remplies.
L'article 25(1) accorde une protection à l'agent de la paix
employant la force dans le cadre de l'application ou l'exécution de
la loi, pourvu qu'il agisse sur la foi de motifs raisonnables et
qu'il utilise seulement la force nécessaire dans les
circonstances.
Il peut s'agir, notamment, d'une arrestation légale, ou encore
de manœuvres visant à désarmer une personne ou à maîtriser une
personne en crise, en raison du risque qu'elle représente pour
elle-même ou pour autrui.
L'article 25(3) précise qu'un policier peut, s'il agit sur
la foi de motifs raisonnables, utiliser une force susceptible de
causer la mort ou des lésions corporelles graves s'il croit que
cela est nécessaire, afin de se protéger ou encore de protéger les
personnes sous sa protection contre de telles conséquences.
Les policiers, étant agents de la paix, sont donc autorisés à
employer une force qui, dans les circonstances, est raisonnable et
nécessaire pour exercer leurs fonctions et qui n'est pas
excessive.
Les tribunaux ont établi que l'appréciation de la force ne
devait toutefois pas être fondée sur une norme de perfection.
En effet, les policiers sont souvent placés dans des situations
où ils doivent rapidement prendre des décisions difficiles. Dans ce
contexte, on ne peut pas exiger qu'ils mesurent le degré de force
appliquée avec précision.
Dans ce dossier, l'intervention des policiers était légale et se
fondait sur leur devoir d'assurer la sécurité et la vie des
personnes. Considérant le danger immédiat auquel les policiers
faisaient face en raison de la probabilité que la camionnette
réintègre le chemin et les heurte, tout comme la probabilité que
l'homme utilise la scie à chaîne contre un policier, le défaut de
l'homme d'obtempérer aux ordres donnés à de nombreuses reprises,
l'impossibilité d'utiliser l'AIE dans les circonstances ainsi que
le bruit du moteur qui rendait la communication entre les policiers
impossible, le policier impliqué avait des motifs raisonnables
d'estimer que la force appliquée à l'endroit de l'homme était
nécessaire pour leur protection contre des lésions corporelles
graves ou la mort.
Conséquemment, le DPCP est d'avis que l'emploi de la force par
le policier était justifié en vertu des articles 25(1) et
25(3) du Code criminel. L'analyse de la preuve ne révèle pas
à son avis la commission d'une infraction criminelle par le
policier de la SQ impliqué dans cet événement.
Le Directeur des poursuites
criminelles et pénales
Le DPCP fournit, au nom de l'État, un service de poursuites
criminelles et pénales indépendant de toute considération de
nature politique, et ce, de façon à préserver l'intégrité du
processus judiciaire tout en assurant la protection de la société,
dans la recherche de l'intérêt de la justice et de l'intérêt
public, de même que dans le respect de la règle de droit et des
intérêts légitimes des personnes victimes et des témoins.
Chaque dossier soumis au DPCP est analysé avec rigueur et
impartialité. La norme qui guide les procureurs concernant
l'opportunité d'entreprendre une poursuite est prévue à la
directive ACC-3. En droit criminel, le fardeau de la preuve que
doit satisfaire la poursuite est très exigeant. En raison du
principe de la présomption d'innocence, la poursuite doit en effet
faire une démonstration hors de tout doute raisonnable de la
culpabilité de l'accusé devant le tribunal.
La décision de poursuivre ou non est une décision
discrétionnaire prise par le procureur dans l'exécution de ses
obligations professionnelles sans crainte d'ingérence judiciaire ou
politique et sans céder à la pression médiatique. Par ailleurs, ce
n'est pas la tâche du procureur de se prononcer sur une possible
faute civile ou déontologique. Il ne cherche que les éléments lui
permettant de conclure qu'un acte criminel a été commis et de
déterminer s'il peut raisonnablement en faire la preuve. Il ne lui
appartient pas non plus de formuler des commentaires ou des
recommandations concernant les méthodes d'intervention
policière.
La publication des motifs qui étayent la décision de ne pas
porter d'accusation dans certains dossiers revêt un caractère
exceptionnel et s'appuie sur des lignes directrices.
SOURCE Directeur des poursuites criminelles et pénales