MONTRÉAL, le 1er mai 2024 /CNW/ - Une action collective intentée par deux femmes inuites du Québec contre le Canada et le Québec a reçu le feu vert pour aller de l'avant dans une décision rendue hier par la Cour supérieure du Québec.

Les deux femmes inuites, toutes deux originaires de la région du Nunavik, dans le nord du Québec, ont été prises en charge par les services de protection de la jeunesse à plusieurs reprises et ont subi des abus et de la négligence de la part des personnes dont elles étaient la charge. Elles affirment que le Québec et le Canada ont négligé les enfants autochtones en donnant la priorité au retrait des enfants autochtones de leur foyer et de leur communauté plutôt qu'aux services de prévention qui leur auraient permis de rester au sein de leur famille. Cette priorité accordée au retrait a entraîné une crise qui dure depuis des décennies, caractérisée par la perte d'enfance, la séparation des familles et la souffrance au sein des communautés autochtones de tout le Québec.

L'action collective allègue que le Canada a manqué à ses obligations constitutionnelles envers les enfants et les familles autochtones vivant hors réserves en déléguant leur bien-être et leur protection aux provinces sans toutefois s'assurer que des normes et un financement adéquat étaient en place afin de les protéger et de préserver leur culture. Confiés à un système de Protection de la jeunesse provincial sous-financé qui privilégie la séparation des familles autochtones plutôt que le maintien de leur unité par la prévention, les jeunes autochtones et leurs familles ont subi des discriminations et des préjudices émotionnels aggravés par l'héritage du système des pensionnats indiens et la « rafle des années soixante ».

La décision rendue hier dans l'affaire A.B. et al. c. Procureur général du Québec et al. fait écho à une décision rendue en 2022 dans laquelle la Cour d'appel du Québec a déclaré:

Les enfants autochtones sont surreprésentés dans les systèmes de protection de la jeunesse dans l'ensemble du Canada. Outre la souffrance qu'elle leur cause, cette situation entraîne pour eux, leurs familles et leurs communautés des conséquences graves, notamment sur la préservation de leur identité, de leur langue et de leur culture. Cette réalité, qui a été rappelée récemment par plusieurs commissions d'enquête, fait l'objet d'un consensus et n'est pas remise en question par le gouvernement du Québec.

Le jugement autorisant cette action collective cite également des décennies de rapports et d'études sur le système québécois de protection de l'enfance qui dénoncent l'absence de financement et de formations adéquates qui auraient pu prévenir ou atténuer les retraits en masse des enfants autochtones et leur déracinement. Dans un rapport sur l'état du système de protection de l'enfance au Nunavik, la Commission des droits de la personne du Québec a constaté que les droits fondamentaux des enfants et des jeunes, tels que reconnus aux articles 1, 4 et 39 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, ont été bafoués.

Au sujet de cette décision, l'une des représentantes du groupe, Tanya Jones, a déclaré :

« Si j'ai décidé d'intenter cette action collective, c'est pour pouvoir sortir de l'ombre dans lequel les services de protection à l'enfance ont plongé mon enfance et ma vie jusqu'à aujourd'hui. Je voulais trouver le courage de retrouver ma voix et de parler de ce qui m'était arrivé, à moi et à d'autres enfants inuits comme moi. Je voulais que nos histoires et notre vérité soient racontées. Je suis heureuse que ce jugement permette à notre action collective d'aller de l'avant et à nos histoires d'être racontées. Je suis heureuse que nous ayons notre journée à la cour, pour que non seulement moi, mais tous les enfants autochtones du Québec affectés par ce système défaillant, puissions dire notre vérité et guérir. » (Traduction libre)

La représentante du groupe A.B., dont l'identité est protégée par une ordonnance de confidentialité, a déclaré :

« J'ai encore des cicatrices sur mon corps et mon visage à cause des abus que j'ai subis en tant qu'enfant placé. J'ai honte de mon propre corps, même maintenant que je suis grand-mère. Beaucoup d'enfants autochtones comme moi ont subi ce traumatisme. Nous sommes aussi des êtres humains. Je ne veux pas que nous soyons laissés pour compte. » (Traduction libre)

Cette décision s'inscrit dans une série d'affaires portées devant les tribunaux provinciaux canadiens au nom de jeunes autochtones vivant hors réserves et des personnes qui s'occupent d'eux, qui ont été exclus du récent règlement de 23,34 milliards de dollars dans l'affaire Moushoom et al. c. Canada (Moushoom) alors qu'ils ont subi les mêmes formes de discrimination que les jeunes et les familles des Premières nations vivant dans les réserves et couverts par le règlement de l'affaire Moushoom.

A.B. et al. c. Procureur général du Québec et al. est la première action collective provinciale de ce type à être autorisée à procéder. Les tribunaux de Colombie britannique, d'Alberta, de Saskatchewan, du Manitoba et de l'Ontario décideront lors d'audiences à venir s'ils autorisent des recours similaires dans leurs provinces respectives. La Cour fédérale du Canada a certifié en 2022 une action collective intentée contre le Canada uniquement au nom de jeunes autochtones vivant hors réserves.

Le procureur des demanderesses, Mohsen Seddigh, a fait la remarque suivante :

En réglant l'affaire Moushoom, le Canada a pris les mesures nécessaires pour réformer le système de protection de l'enfance dans les réserves et indemniser les enfants et les familles qui ont été victimes de discrimination dans le cadre de ce système. Mais les enfants et les familles qui vivent hors réserves sont tout aussi autochtones et ont subi le même traitement. Pourtant, ils sont laissés pour compte et doivent continuer à se battre contre les gouvernements provinciaux et fédéral pour obtenir justice devant les tribunaux de tout le Canada. Nous espérons que cette décision de la Cour supérieure du Québec amènera ces gouvernements à reconnaître leurs torts et à faire ce qu'il faut : cesser de lutter contre les enfants. De nombreuses vies sont en jeu.

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